CAP HORN, CUVEE 2013
- François Gabart sur le point de doubler le cap Horn
- Armel Le Cléac’h attendu 2 heures plus tard
- C’est parti pour 30 heures de veille sur le pont
Le skipper de MACIF devrait franchir le plus symbolique des trois grands caps de ce Vendée Globe vers 18 heures, ce 1er janvier 2013. Au pointage de l’après-midi, François Gabart, n’était plus qu’à 50 milles de la longitude du rocher. Mais le soulagement de laisser le Grand Sud dans son sillage n’est pas encore total. François pourra dire ‘ouf’ quand il aura paré les glaces qui parsèment sa route. Ce sera son dernier grand examen de passage avant de retrouver les eaux plus familières de l’Atlantique Sud.
Sommet horizontal
C’est un pic, c’est un cap. Le Horn. C’est un des pinacles du Vendée Globe, son sommet horizontal, même si ce n’est pas encore son achèvement. C’est la porte de sortie du Grand Sud, la fin d’un mois de brise, de mers grosses, de hautes vitesses non-stop, de gifles froides et salées sur le pont, du train lancinant des dépressions et des lumières grises. Le Horn est avant tout un soulagement et il n’est beau à doubler qu’au regard des difficultés qui ont jalonné le chemin qui conduisait jusqu’à lui.
Premier Horn à 29 ans
Et c’est le benjamin de l’épreuve qui aura dans quelques heures le privilège de couper en tête la longitude 67°17’21’’. François Gabart, 29 ans, dont c’est le tout premier Vendée Globe. Pas sûr que le jeune marin se fasse percer l’oreille gauche pour y mettre une créole en or, comme le voulait la tradition. Mais il aura en lui cette fierté d’appartenir à son tour au cercle des hommes rares que sont les cap-horniers. Le skipper de MACIF devrait donc doubler le bout de rocher chilien aux alentours de 18h00 (heure française) après 52 jours et une poignée d’heures de course. Autrement dit avec au moins quatre jours d’avance sur le temps de Michel Desjoyeaux en 2009.
Son meilleur ennemi Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), après s’être fait légèrement distancer ces dernières 24 heures, devrait lui emboîter le pas deux heures plus tard. Les deux hommes ont empanné en fin de matinée tout près de l’entrée du canal de Beagle, le long des côtes chiliennes, premières terres humées et peut être entraperçues depuis le Portugal !
Sur le pont et au radar
Mais ils n’ont probablement pas le temps de profiter du paysage, malgré un passage de jour, sous un beau ciel de traîne. A bord de MACIF comme de Banque Populaire, il faut être sur le pont et devant les écrans radar pour surveiller d’éventuels growlers issus d’une quinzaine d’icebergs repérés dans une zone allant du sud-ouest de Chili (jusqu’à 100 milles au large) à une centaine de milles dans l’Est de l’île des Etats. La marine chilienne a survolé et confirmé la position de quelques-uns de ces gros blocs de glace (jusqu’à 400 mètres) aujourd’hui.
Tribord amures, poussés par un vent de sud-ouest, les deux grands monocoques ont un peu ralenti cet après-midi. Les solitaires ont-il réduit la toile pour faciliter le travail de veille ? Ou le vent est-il en train de caler à l’approche du Horn. Mieux vaut en tout cas ne pas foncer à l’aveuglette sur ce terrain piégé.
Derrière eux, leurs onze poursuivants rêvent tous de franchir cette étape symbolique. Le prochain sur la liste s’appelle Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) que les routages donnent au cap Horn avec 1 jour et 7 heures de retard sur Gabart.
Michel Desjoyeaux (double vainqueur du Vendée Globe)
(Au sujet du duel de tête) Ça ne me surprend pas de voir Armel (Le Cléac’h) et François (Gabart) car ils ont des profils très proches et ne sont pas gênés par la régate au contact. Par contre, que ça dure aussi longtemps doit les user physiquement et moralement : ils doivent effectuer leurs manœuvres le plus rapidement possible pour ne pas perdre trop de temps, et on ne le fait pas avec la même intensité avec un bateau à 50 milles de soi. Là ils sont vraiment bord à bord, c’est incroyable et vu comme ils se sont battus jusque là ça m’étonnerait qu’ils lâchent quoique ce soit. On va se régaler jusqu’au bout. (Sur François Gabart) Je suis très vexé pour lui que les gens ne puissent pas admettre qu’il est détendu, qu’il est content de faire ce qu’il fait. Ce n’est vraiment pas du bluff, je le connais et il a autre chose à faire. Bien sûr, comme les autres, il est dans une posture qui le force à ne pas tout dévoiler ou du moins à se livrer. Mais lorsqu’il dit qu’il s’éclate et qu’il aime ce qu’il fait, je suis convaincu qu’il dit la vérité.
Bernard Stamm (SUI, Cheminées Poujoulat)
(Sur 2013) Ça va plutôt bien, la météo était plutôt bonne, j’ai pu boire une coupette de champagne et du foie gras et j’ai passé 2-3 coups de fil. C’était sympa. Pour 2013, pas de panne et pas de glace ! (Sur ses problèmes d’hydrogénérateurs) J’ai pris moins de gasoil, je me reposais sur mes hydrogénérateurs pour produire l’énergie à bord. Je n’avais pas du tout prévu assez de fuel pour faire le tour du monde complet. On avait fait des calculs pour prévoir une probabilité d’ennuis avec les hydrogénérateurs mais on n’avait jamais inclus dans nos calculs le fait qu’ils sont mal dimensionnés. Ils ont été construits comme des jouets, pas comme quelque chose de sérieux. Les mecs se sont plantés, ils ont fait du Lego, les dimensions n’étaient pas bonnes, c’était trop petit. Il faut qu’il y ait un contrôle rigoureux, ce n’est pas possible de partir avec quelque chose de si mal dimensionné. Autant de moyens mis en œuvre pour atteindre un résultat aussi médiocre, c’est à pleurer. Je suis en colère, ça m’a pompé l’existence, c’est dommage. Les emmerdes ont commencé dès le Portugal. Surtout qu’à côté le bateau va bien, 95% du bateau est nickel.
Jean-Pierre Dick (FRA, Virbac-Paprec 3)
« (Sur sa situation) Je fais route vers le cap Horn, j’ai du me recentrer cette nuit, j’ai perdu beaucoup de milles par rapport à ceux de devant mais j’étais obligé de redescendre pour pouvoir viser le Horn. Niveau physique ça va, je dors bien le matin mais j’ai plus de mal la nuit. C’est un peu bizarre, c’est la première fois que ça m’arrive. J’essaye de trouver des forces pour le passage du Horn qui risque d’être assez compliqué avec du près puis du vent fort à l’arrière. Il va falloir être vigilant tout en vivant ce moment pleinement car c’est toujours un beau moment dans la vie d’un marin. Ensuite il faudra mettre un coup de cravache pour remonter le groupe de tête qui a pris pas mal d’avance, mais il reste pas mal de milles pour ça. (Sur le passage à 2013) J’ai passé un réveillon très classique avec un petit foie gras. Je me suis réservé la bouteille de champagne pour le cap Horn car pour moi c’est presque plus important. J’ai passé quelques coups de fil à des amis et à la famille, rien de spécial. J’espère que 2013 va être une jolie année, avec déjà la clôture de cette course puis mes débuts en multicoque. J’espère que tout va continuer sur des rails.