Pendant ma semaine aux Sables, j'ai eu bien des flashes. J'avais l’impression d'être dans une émission de télé réalité du genre Vie ma vie. J'étais dans la peau du navigateur solitaire qui s'apprête à prendre le départ du tour du monde (rires). Plus sérieusement, j'ai véritablement découvert l'ambiance incroyable d'un départ du Vendée. Quand tu es coureur, tu te blindes, tu te protèges et finalement ta vision est différente parce que tu as d'autres préoccupations. . Là, j'étais forcément disponible et ce que j'ai vu est hallucinant.
Par exemple ?
Le monde, la foule, incroyablement nombreuse, passionnée, bienveillante.
As-tu regretté de ne pas être au départ ?
J'ai eu des sensations inhabituelles, bizarres, mais j'avais pris depuis longtemps la décision de ne pas participer. Je n'ai donc rien regretté.
Qu'as-tu pensé de l'entrée en scène des bateaux, défilant dans le port devant 350 000 personnes, soit l'équivalent de huit « Stade de France » réunis ?
La légende du Vendée ne fait que grandir. . Cette année, je crois aussi qu'il y a une série de conjonctions favorables. Il y a la crise, des valeurs sportives qui dans d'autres disciplines sont incertaines, une organisation extraordinaire, un mélange entre gens de la terre et gens de mer... Tout cela crée un terreau hyper favorable pour qu'un petit bonhomme, tout seul à bord de son bateau sur l'océan, attire la sympathie. Pour moi qui suis à terre et cherche un sponsor, ça met du baume au cœur.
Ce sont des modèles, ces navigateurs ?
Il ne faut pas exagérer. Ils vont en mer parce qu'ils en ont envie. Ils ne partent pas avec un fusil braqué dans le dos. Ils ne sont pas à plaindre, au contraire. Ils sont enviables.
Aux Sables, chacun a pu mesurer que ta popularité était intacte. On imagine que ça t'a fait chaud au cœur...
C'est plus que ça. J'ai halluciné quand j'ai vu dans le chenal une banderole marquée « Bilou 2016 » déployée par les fanyousea...
{BRAVO à Lora et Isa qui ont cette brillante idée !!}
… ton club de supporters, né lors de ton partenariat avec Veolia...
Oui c'est ça. Ils sont magnifiques. Je les remercie encore.
« Un départ plein de fougue »
Qu'as-tu pensé du départ, avec les cinq rappels individuels ?
Les gars ont annoncé la couleur d'entrée. Ils étaient plein de fougue.
Les mauvaises langues ont dit qu'ils avaient pris le risque d'un départ prématuré afin de prendre la tête d'entrée de jeu et montrer leurs sponsors pendant le direct télé...
… Ce ne serait pas un scoop, ça a toujours existé. Mais je crois que c'est plutôt une volonté de bien faire. Au départ, il y a la famille, les amis, les sponsors. Tu es animé par une volonté de bien faire. Pour d'autres, attaquer d'emblée est une manière de se libérer de la pression.
Avais-tu un « chouchou » dans cette flotte, au moment du départ ?
Non. Marco (Guillemot) est un très vieux copain. Jean Le Cam aussi est un vieux camarade. Cette année, j'ai navigué avec Jean-Pierre (Dick) et François (Gabart)... J’ai en tout cas un œil attendri pour les « tontons flingueurs » Jean ,Mike et Dominique en position d’attente !
Que t'inspirent les abandons survenus dans les dix premiers jours de course ?
Je me dis que si le Vendée est une aventure susceptible d'écrire de bien belles histoires, c'est aussi une impitoyable machine à désillusion et à échec personnel. La vie y est rude, parfois.
Sur un plan technique, que penses-tu de ces accidents ?
Statistiquement, c'est toujours au début du Vendée que se produisent les abandons les plus nombreux. Mais pour Safran, l'un des favoris, c'est dur même si la recherche et développement font partie intégrante de ce projet. La casse est-elle plus acceptable dans ces conditions ? Peut-être, je ne sais pas.
Que dire des deux abandons, résultant d'abordages ?
Au large de la péninsule ibérique, Kito est victime d'une première fortune de mer, puis c'est au tour de Louis Burton d'être abordé. Pour Kito, c’est tellement injuste. C'est la seconde fois qu'il doit abandonner après quelques heures de mer. La mer est grande et il est incroyable que ce genre de trucs se produise à quelques heures d'intervalle.
« Pourquoi opposer les marins-pêcheurs aux marins-coureurs ? »
Il a été dit que les pêcheurs ne veillent plus leurs radars depuis l'avènement de l'AIS...
Je ne sais pas mais je n'ai pas du tout apprécié que lors de ces accidents, on ait opposé les pêcheurs aux coureurs. Il y a mieux à faire. Dans chaque corporation, il y a des gens sérieux et d'autres moins. C'est vrai pour les marins-pêcheurs comme pour les marins-coureurs. Ce qui est sûr c'est que le trafic maritime augmente et qu'il faut encore développer les moyens de détection. La France, est pourtant attentive à ce problème et a devancé par exemple les normes européennes dans la réglementation d'utilisation de l'AIS.
Ensuite le voilier, que tu connais bien, de Samantha Davies démâte...
Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai poussé un grand merde ! Je connais tout de ce bateau avec lequel j'ai gagné ma première Route du Rhum. J'ai hâte de parler à Sam, d'analyser ce qui a pu se passer. En tout cas, je suis touché parce que j'aime ce bateau et que je trouve qu'il va bien à Sam.
Que dire à propos de Jérémie Beyou, qui constate que le vérin de sa quille a cassé ?
C'est une pièce qui ne casse jamais, c'est du moins ce que l'on dit...
Tu as un autre de tes bateaux en course, avec lequel tu as d’ailleurs gagné ta seconde Route du Rhum...
Oui c'est drôle d'avoir deux de ses anciens voiliers dans une même épreuve ! Alex (Thomson) se débrouille très bien avec, dans ce début de Vendée.
As-tu un favori parmi les bateaux de la flotte ?
Non, Je n'ai pas de préférence pour l'un ou l'autre. Les plans Verdier VPLP ont un avantage. Macif, Virbac sont des machines de guerre.
Restons sur les bateaux. Toi dont on connait l'engagement pour l'environnement, que penses-tu de Acciona, le voilier totalement « propre » de Javier Sanso ?
L'idée d'un voilier 100 % autonome et libéré des énergies fossiles est évidemment excellente, même si je ne suis pas forcément toujours d'accord avec Javier, surtout quand il affirme que les Imoca sont des gouffres à gazoil. Dans le dernier Vendée, j'ai tourné avec 170 l de diesel. Je disposais certes d'une éolienne, mais elle m'a lâché au cap Horn. Ces 170 l correspondent en gros à trois pleins de voiture. Pour faire le tour du monde, c'est peu. Il reste que l'idée d'être totalement autonome et d'avoir un bateau fonctionnant à 100 % aux énergies renouvelables est passionnante.
Tu partirais sur un tel bateau, qui n'est pas forcément capable de gagner ?
Tout dépend de l'histoire que tu as envie de raconter. Avec du solaire, de l'éolien et de l'hydrolien, aujourd'hui tu fais le tour. Si je rencontre un sponsor qui me dit : « on y va, pour montrer que ces solutions écologiques sont fiables », je dirais probablement oui, à condition, encore une fois, que la philosophie et la finalité du projet soient bien claire.
« En 2013, je vais beaucoup naviguer »
Parlons de sponsoring, justement. Où en es-tu dans tes recherches ?
On continue de travailler. Pour le Mod 70, le manque de visibilité du programme 2013-14 rend la situation très compliquée. Quoi qu'il en soit, je vais beaucoup naviguer en 2013, quitte à suivre un programme alternatif.
De quoi-parles tu? De tout ce qui flotte !
Et d'un retour en Imoca ?
Attendons la fin du Vendée pour faire le bilan. Le débat sur le passage ou non à la monotypie va être tranché. Il faut dépassionner ce débat en gardant à l'esprit que les engins hyper technologiques, c'est bien, mais que ce qui plaît avant tout au public, c'est l'aventure. .
Autre sujet. Qu'en est-il de l'activité bio composite de Kaïros ?
Nous avons établi une collaboration avec la société S3, de Christian Karcher, pour construire une pré série de stand up paddleque S3 commercialise.
Tu parles de ces planches de surf sur lesquelles on pagaie debout...
Oui. Nous allons en fabriquer un premier lot d'une dizaine d'unités. Visiblement, l'initiative provoque l'attrait du milieu. C'est super !
Tu as le moral, visiblement...
Oui la vie est belle ! .
Photo : Lora, Bilou et moi Skip !