02/11/2012 ITW ORANGE SPORTS : VG12 / JEAN-PIERRE DICK 'Me montrer en patron'

3/11/12

02/11/2012 ITW ORANGE SPORTS : VENDÉE GLOBE 12 / JEAN-PIERRE DICK 'Me montrer en patron'

Par Laurent Duyck

Il possède l’un des bateaux les plus rapides de la flotte et un solide palmarès en double (trois Jacques-Vabre en 2003, 2005, 2011 et deux Barcelona World Race en 2008 et 2011). Tout pour faire du skipper de Virbac-Paprec 3 le favori du Vendée Globe ? Jean-Pierre Dick parle de ses forces et de ses faiblesses, esquissant au passage le profil-type du vainqueur.

Assumez-vous l’étiquette de favori que l’on vous colle ?
Je l’assume, oui, parce que je dois me montrer fort dans ma tête. Si je veux gagner, il faudra que je sois dominateur, du moins que je sente cette impression de domination. Est-ce que je le revendique ? Non. Il faudra déjà être fort par rapport aux éléments. Je ne me bats pas par rapport à un autre bateau, je ne regarde pas mes concurrents, j’essaie de faire le mieux possible de ce que je peux faire avec mes moyens pour réaliser le meilleur temps possible. J’espère que je finirai et qu’il y aura le plus de bateaux possibles derrière moi. Et éventuellement, qu’il n’y en ait pas devant. Le plus fort sera celui qui fera sa course. Il faudra prendre les décisions, et surtout les bonnes. Et potentiellement, faire aller son bateau plus vite que les autres. J’espère que je réussirai, à certains moments de la course, à me montrer en patron.

Avez-vous déjà connu ce sentiment d’être le patron ?
Oui, ça a été le cas sur la dernière Barcelona où, même face à un Michel Desjoyeaux, on se sentait très fort (avec Loïck Peyron, ndlr), on sentait qu’on pouvait le battre. Ou encore sur la dernière Transat Jacques-Vabre avec Jérémie Beyou, où les autres ont donné l’impression d’être un peu perdus par moments. J’ai quelques réflexions là-dessus.

"Agréable, attachant, bon camarade, dur au mal, opiniâtre et excellent barreur." Vous reconnaissez-vous dans ce portrait fait de vous par Jérémie Beyou ?
Excellent barreur, je ne sais pas… J’ai du mal à me donner énormément de qualités. Ma plus grosse force, c’est la ténacité, d’y croire longtemps, de ne pas baisser les bras et de tout faire pour y arriver. Je suis un entrepreneur, j’ai une vision globale des choses même si je m’appuie quand même sur des gens. J’essaie de prendre les choses dans leur globalité et de les gérer de la façon la plus cohérente possible, même si je ne suis pas le meilleur technicien. Les vétérinaires sont des gens pragmatiques !

Est-ce suffisant pour avoir le profil d’un vainqueur ?
Pour gagner, il faut aussi être prudent, précautionneux. Des qualités affichées par Vincent Riou lorsqu’il gagne (en 2005). Ce n’était certainement pas le meilleur en bateau ou le plus rapide mais il a gagné sur sa sagesse. Il faut être sage mais tenace. Et travailleur. C’est ça le vainqueur d’un Vendée Globe. Il y a tellement de domaines de jeu, que tu ne peux pas te permettre d’être seulement brillant. Quelqu’un de brillant ne le sera pas dans tous les domaines. Et s’il est négligeant, il va perdre.
 

"Ça fait dix ans qu’un mec me dit toutes les semaines comment respirer correctement. Et je n’y arrive toujours pas"

Pourquoi êtes-vous considéré comme le champion du monde de double mais pas encore comme le roi du solo ?
Ma qualité en double est de savoir galvaniser mon coéquipier, de mettre tout en œuvre pour qu’il soit performant. Mais c’est vrai que c’est une autre dimension. En solo, je suis plus un coureur en progression. Parce que ce n’est pas mon école initiale. Je suis parti d’un niveau qui était assez bas. Je monte à la vitesse que je peux.

Le double est finalement une bonne école ?
Chacun m’a appris une facette un peu différente. Et c’est ce que j’aime dans le double, aller chercher des marins avec des profils intéressants auprès de qui je vais pouvoir récupérer des données. Damian (Foxall) m’a appris sur l’explosivité, des techniques de la Volvo Ocean Race. Loïck (Peyron) m’a appris à m’économiser, à m’habiller correctement, à prendre soin de moi, à avoir une vision moins stressante de la course. Jérémie (Beyou) m’a appris certaines choses plus techniques, sur la manœuvre, la façon de mener son bateau. J’ai pris de chacun. Et c’est ce qui fait ma richesse, dans laquelle je vais puiser de façon séquentielle. C’est de l’expérience en définitive.

Prendre plus de plaisir, prendre soin de vous... Est-ce un travail difficile à faire sur vous-même ?
Oui ! Dans mes gènes, j’ai une vision de la réussite qui passe par le travail, un travail souvent laborieux, pas tout le temps dans le plaisir. Mais depuis mes débuts, ma vision par rapport à cela évolue. J’ai bien conscience que s’il n’y a pas de plaisir, si je ne prends pas soin de moi, ça sera difficile pour moi d’y arriver. J’ai appris à m’économiser, à faire du sport, à me reposer avant une course plutôt qu’à m’agiter de manière inutile. Même si le naturel revient souvent au galop. C’est une lutte permanente. Ça fait dix ans qu’un mec me dit toutes les semaines comment respirer correctement. Et je n’y arrive toujours pas (sourires).

N’y a-t-il jamais de plaisir en course, des moments de pure extase ?
Si, bien sûr. Déjà rien qu’en franchissant la ligne d’arrivée en tête. Et puis, un beau coucher de soleil, des dauphins, sortir d’une tempête… Heureusement qu’on a ces moments pour se relâcher, regarder autour de soi et se dire que ce monde qui nous entoure est merveilleux.

Des gens, les mêmes qui se demandaient qui j'étais quand je suis arrivé dans ce milieu, me demandent aujourd'hui de venir à bord de mon MOD70.


Est-ce la raison pour laquelle vous retournez sur le Vendée Globe pour la troisième fois ?
C’est un tout. C’est pour apprendre sur soi comme pour vivre une aventure. C’est assez excitant. On n’est pas dans le côté métro-boulot-dodo. Je suis un entrepreneur qui aime l’action. Et puis, je me sens proche, de part ma formation, de la nature et des animaux. Sans oublier l’aventure technologique, même si je ne suis pas un pur technicien. Un ensemble de choses qui font que j’ai vraiment envie d’y aller. Ce n’est pas seulement du vent.

Attendez-vous le départ avec impatience ?
La course, c’est la cerise sur le gâteau. Quand tu aimes la mer et la compétition, le facteur jouissif, c’est la course. Parce qu’il y a quand même des lourdeurs dans l’organisation d’un tel projet, il faut gérer une équipe, répondre à des obligations.

Ce Vendée Globe marque aussi la fin d’un cycle pour vous avant de basculer sur le MOD70. Que retenez-vous de ces dix ans en Imoca ?
Le bilan est bon. Ma réussite est d’avoir fait rêver des gens, de voir le sourire d’un handicapé, de sentir la fierté de l’entreprise qui me soutient. Ma plus grande fierté est de voir que les gens se reconnaissent dans ce projet. En dehors d’un établissement personnel, qui est réel, il y a ce plaisir d’avoir vécu une aventure avec mes partenaires et mes amis.

La reconnaissance du milieu compte-t-elle aussi à vos yeux ?
Oui. Il y a eu ce titre de marin de l’année 2011 qui m’a fait plaisir. C’est important d’être reconnu par le milieu. Des gens que j’ai côtoyés en course me demandent aujourd’hui de venir à bord de mon MOD70. Ça fait plaisir. Car ce sont les mêmes qui se demandaient qui j’étais quand je suis arrivé. C’est une autre reconnaissance.

Pourquoi faudrait-il miser sur vous sur ce Vendée Globe ?
J’ai un atout par rapport aux autres - que je partage finalement avec Vincent Riou, dont je fais d’ailleurs l’un de mes principaux concurrents - c’est d’avoir été maître de mon projet, aussi bien en terme de timing que de bateau. De façon assez indépendante. De A jusqu’à Z, de la conception jusqu’à la dernière course, il y a une cohérence, une vision constante. C’est une force.

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