« La vraie vie commence ! » Le géant suédois Martin Strömberg (Dongfeng Race Team) se frotte les mains. Il adore Alicante, l’Espagne et ses tapas mais après trois semaines à terre, l’idée de prendre la mer tourne à l’obsession. Comme 65 autres marins, il s’élancera demain à 14h00 en direction du Cap (Afrique du Sud) pour la plus longue des neuf étapes de la Volvo Ocean Race 2014-15. Au menu, 6 487 milles nautiques (12 000 km) à parcourir et environ 25 jours passés en mer. Avec déjà deux tours du monde à son actif, Martin est un habitué du genre mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Pour Nicolas Lunven, navigateur à bord de MAPFRE, c’est une grande première et avant de penser à l’équateur - qui lui donnera droit à un petit bizutage - il se concentre sur sa mission de stratège. « C’est une étape avec beaucoup de transitions et de sections, et il y a différentes situations possibles avant le Pot Au Noir. C’est une zone très complexe » explique-t-il. « Ce n’est pas une étape compliquée comme s’il fallait passer le Cap Horn avec des vents forts mais c’est une étape compliquée sur un plan stratégique et tactique. »
Pascal Bidégorry, navigateur à bord de Dongfeng Race Team, garde un œil sur le parcours de cette première étape depuis plusieurs mois. « Je regarde sans regarder mais quand je vois un phénomène, je creuse pour voir ce qu’il se passe exactement. » Depuis sept jours, son attention se focalise sur la sortie de la Méditerranée. « C’est sûr qu’on ne va pas battre des records » analyse t’il. La flotte part en effet dans du vent faible avant de toucher un flux plus consistant (presque 30 nœuds), mais… de face. Au delà, le navigateur ne se risque pas à une analyse mais prévient : « ça ne peut que partir par devant ». Autrement dit, les retardataires à Gibraltar auront bien du mal à se refaire en Atlantique.
Interview de Pascal Bidégorry (Dongfeng Race Team) :
« On va avoir du petit temps au départ avec un peu de brise thermique. Ça sera un peu comme aujourd’hui. On approche ensuite un front en mer d’Alboran et derrière, nous aurons au moins 25 nœuds, ça peut monter jusqu’à 28 avant de mollir à l’approche de Gibraltar. Ce n’est pas avec des conditions comme ça qu’on va battre des records de vitesse entre Alicante et Le Cap. En Méditerranée, il faut faire gaffe et ne pas rester coincé dans un endroit sans vent. Après Gibraltar, ça ne peut que partir par devant donc il faut bien naviguer dès le départ. »
Interview de Nicolas Lunven (MAPFRE) :
« Ce n’est pas l’étape la plus dure mais elle est complexe car il y a beaucoup de transitions et de parties différentes. La Méditerranée est la première partie avec des conditions très variables. Une fois que tu as passé Gibraltar, il y a plusieurs scénarios possibles avant d’atteindre le Pot Au Noir. Ensuite arrive l’Atlantique Sud avec des vents réguliers et l’arrivée au Cap qui peut s’avérer compliquée également. »
Interview de Laurent Pagès (Team Brunel) :
« On pense souvent que la première étape va nous annoncer à l’avance ce qui va se passer sur l’ensemble de la course. Ca pouvait être vrai il y a un certain nombre d’éditions où un bateau pouvait avoir une avance sur le plan technique. C’est typiquement l’exemple d’ABN en 2004-05. Ce n’était pas du tout le cas sur l’édition précédente et cette année, cela l’est encore moins avec la monotypie.
En termes de points chaque étape est importante, elles valent la même chose qu’elles soient petites ou grandes.
Pour moi, ce qui fait de cette première étape une étape clé, c’est qu’elle est longue et variée en termes de conditions. C’est une étape où il va falloir apprendre un maximum de choses. Il va falloir être en mesure d’établir notre niveau de performance le plus haut possible. Ne pas forcément chercher à gagner l’étape en faisant des coups stratégiques mais plutôt jouer avec nos adversaires si possible. Et être en mesure d’analyser en quoi nous pouvons être plus forts ou moins forts sur d’autres étapes, en tirer les conclusions, progresser et s’en servir sur les trois ou quatre étapes suivantes. Sur celles-là, nous tirerons moins d’enseignements car nous serons probablement plus perturbés par des phénomènes météo ou le positionnement.
Cette première étape est donc importante pour être en mesure sur la première moitié de la course d’être plus fins sur les réglages et l’utilisation du bateau. »